jeudi 19 février 2015

Stimuler l'automobiliste... / Stimulating car drivers...

A la lecture d'un communiqué de presse la semaine dernière de la Mairie de Paris à propos de son plan de lutte contre la pollution atmophérique parisienne, je suis tombé sur ce texte de l'universitaire Frédéric Héran:

"Le vélo est-il vraiment un mode de déplacement écologique ?
Auteur : Frédéric Héran, enseignant-chercheur à l’Université de Lille 1
heran.univ-lille1.fr/
Date de publication : 19/09/2014

Le vélo est-il vraiment un mode de déplacement écologique ?

Les pouvoirs publics encouragent de plus en plus la pratique de la bicyclette dont ils vantent le caractère doux, écologique, sans nuisances, bon pour la planète, respectueux de l’environnement… En fait, ces atouts ne sont bien réels que si les nouveaux cyclistes sont d’anciens automobilistes. Si ce sont d’anciens usagers des transports publics, le bilan est beaucoup moins positif et si ce sont d’anciens piétons le bilan devient même négatif. Or, qu’en est-il en réalité ? Hélas, la plupart du
temps, les néo-cyclistes se déplaçaient auparavant à pied ou en transports publics et rarement en voiture… De nombreuses sources le confirment.

Le moyen le plus simple et le plus économique de se déplacer...



Les enquêtes – toujours confidentielles – qui ont cherché à comprendre qui sont les usagers des vélos en libre service à Lyon, Paris, Lille, Barcelone… montrent que les proportions de ces trois groupes sont respectivement de 45 %, 45 % et 10 % (avec une variation de plus ou moins le tiers de ces chiffres selon les villes). Par exemple, à Lyon, l’enquête réalisée fin 2005, quelques mois après l’ouverture du service Vélo’V, indique que 37 % des véloveurs sont d’anciens piétons, 51 % d’anciens usagers des transports publics, 6 % d’anciens automobilistes, 4 % des cyclistes qui utilisaient avant leur propre vélo et 2 % des personnes qui ne se déplaçaient pas (total 100 %).


Paris... 1 cycliste, 50 voitures...



Autre preuve, dans de nombreuses villes d’Europe, le vélo connaît un essor spectaculaire, mais apparemment surtout au détriment de la marche. Le cas de Fribourg-en-Brisgau est un exemple typique : entre 1982 et 1999, la part modale de la bicyclette est passée de 15 à 28 %, mais celle de la
marche a chuté de 35 à 24 %. Cependant la part des transports publics est passée de 11 à 18 % et celle de la voiture de 38 à 29 %. Manifestement, il n’y a jamais de report simple d’un mode de déplacement sur un autre « toutes choses égales par ailleurs », c’est l’ensemble des manières de se
déplacer qui se recompose.

Bref, il ne suffit certainement pas d’encourager l’usage de la bicyclette pour que sa part modale remonte fortement. Plusieurs résultats de recherche le montrent clairement. Ainsi, contrairement à une idée reçue, aucun système de vélos en libre service n’est jamais parvenu à relancer cet usage. Dans toutes les villes du monde occidental qui en possède un de taille significative, la pratique de la bicyclette est remontée bien avant l’arrivée des vélos publics. À Paris, par exemple, selon les comptages de la mairie réalisés depuis 1997, la pratique était déjà remontée de plus de 60 % avant l’arrivée des Vélib’ en juillet 2007. Et le retour du vélo à Paris date sans doute de la grande grève du métro en décembre 1995, voire même avant, avec l’ouverture des voies sur berges aux piétons et aux
cyclistes le dimanche, depuis juillet 1994. Les vélos en libre service représentent une contribution réelle mais modeste et coûteuse au retour de la bicyclette.

De même, aucun investissement massif dans des aménagements cyclables n’est jamais parvenu à relancer fortement et à lui seul la pratique du vélo. L’histoire des politiques de ville cyclable nous enseigne que la cause essentielle d’un retour massif de la bicyclette est toujours et partout la modération de la circulation automobile – c’est-à-dire la limitation des vitesses et du volume du trafic dans les quartiers et sur les artères –, parce que le premier obstacle à l’usage du vélo qu’est l’insécurité routière est alors beaucoup réduit, non seulement le long des rues, mais plus encore aux carrefours.


Beaucoup de chemin encore avant de sortir du marasme motorisé...



Le cas de Fribourg-en-Brisgau en est un bon exemple : ce ne sont pas seulement les piétons qui se sont mis au vélo, la modération de la circulation automobile et la relance du tramway ont aussi beaucoup calmé la ville et rendu possible un usage plus sûr de la bicyclette. Autre cas moins connu et pourtant encore plus clair : pour préserver leur centre historique des nuisances de l’automobile, des centaines de villes italiennes ont instauré, au cours des années 1980-1990, des « zones à trafic limité » (ZTL) et ont vu exploser le nombre de cyclistes dans le centre, tout cela sans aucun aménagement cyclable.

Autrement dit, l’insistance sur le caractère « doux » ou « écolo » du vélo n’est pas innocente. D’une part, c’est éviter de souligner les nuisances provoquées par les véhicules individuels motorisés pour ne pas culpabiliser les automobilistes. On est pourtant encore loin aujourd’hui d’avoir fait le tour de ces nuisances : un récent travail de recension systématique en a dénombrer une cinquantaine, bien au-delà des quatre habituellement retenues (bruit, pollution, accidents et congestion). D’autre part, c’est édulcorer l’intérêt même du vélo comme mode actif et économe, l’adjectif doux pouvant finalement qualifier tous les véhicules qui font un effort pour être moins agressifs à l’égard de l’environnement.
À ce compte-là, les voitures électriques et même les 4 x 4 hybrides deviennent des « modes doux », de quoi décomplexer les riches automobilistes qui les utilisent et justifier le flot d’aides publiques en tout genre qui stimulent leurs ventes (au moins 1 200 € par véhicule et par an selon nos calculs).


Un cycliste n'a pas autant d'aides...




L’argument écologique du vélo n’est donc pas directement justifié. Seule la réduction de l’usage de la voiture est pertinente. Mais un tel objectif est beaucoup plus difficile à mettre en avant par les élus. Pourquoi contraindre, ne vaut-il pas mieux stimuler ? En réalité, nous vivons déjà dans un monde de contraintes. Et elles seront beaucoup plus fortes demain si nous n’agissons pas progressivement aujourd’hui. C’est à nos édiles et aux responsables techniques d’avoir le courage de l’expliquer et de s’engager résolument dans une politique concertée de modération de la circulation, comme bien d’autres villes le font déjà. Ils trouveront de nombreux soutiens dans la population et pas seulement des opposants."

Intéressant, non?



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Reading a press release the last week of the City hall of Paris about its plan to fight against the Parisian atmosphric pollution, I fell on this text of the academic Frédéric Héran:

" Is the bike really a mode of ecological movement?
Author: Frédéric Héran, professor (teaching and research) at the University of Lille 1

heran.univ-lille1.fr/
Publication : 19/09/2014




Is the bike really a mode of ecological movement?

Public authorities encourage more and more the practice of the bicycle the soft, ecological character of which they praise, without nuisances, voucher for the planet, environment-friendly … In fact, these assets are very real only if the new cyclists are former motorists. If they are the former users of public transports, the balance is much less positive and if they are former pedestrians the balance becomes even negative. Yet, what about in reality? Regrettably, most of the time, the neo-cyclists moved previously on foot or in public transports and rarely by car … Numerous sources confirm it.


Th easiest and cheapest way to move...




Inquiries - always confidential - Which tried to understand who are the users of the self-service bikes in Lyon, Paris, Lille, Barcelona show that the proportions of these three groups are respectively 45 %, 45 % and 10 % (with a variation of more or less the third of these figures according to cities). For example, in Lyon, the investigation realized at the end of 2005, a few months after the opening of the service Bike V, indicates that 37 % of véloveurs are the former pedestrians, 51 % of the former users of public transports, 6 % of the former motorists, 4 % of the cyclists who used before their own bike and 2 % of the people who did not move (total 100 %).


Paris... 1 cyclist, 50 cars...




Other proof, in numerous cities of Europe, the bike knows a spectacular development, but apparently especially to the detriment of the walking. The case of Freiburg-im-Brisgau is a typical example: between 1982 and 1999, the modal part of the bicycle passed from 15 to 28 %, but that of the walking fell from 35 to 24 %. However the part of public transports passed from 11 to 18 % and that of the car from 38 to 29 %. Obviously, there is never simple transfer of a mode of transport on an other one "other things being equal", it is all the manners to move which recomposes.

In brief, it is not certainly enough to encourage the use of the bicycle so that its modal part goes back up strongly. Several search results show it clearly. So, contrary to a preconceived idea, no system of self-service bikes ever succeeded in boosting this use. In all the cities of the western world which possesses one of significant size, the practice of the bicycle raised well before the arrival of the public bikes. In Paris, for example, according to the countings of the city hall realized since 1997, the practice had already raised of more than 60 % before the arrival of Vélib ' in July, 2007. And the return of the bike in Paris doubtless dates the big strike of the subway in December, 1995, even before, with the opening of riverside expressways to the pedestrians and to the cyclists on Sundays, since July, 1994. The self-service bikes represent a real but modest and expensive contribution on the return to the bicycle.

Also, no massive investment in cycle arrangements ever succeeded in boosting strongly and to him only the practice of the bike. The history of the politics of cycle city teaches us that the essential cause of a massive return of the bicycle is always and everywhere moderation of the car traffic - that is the limitation of speeds and volume of the traffic in districts and on arteries-, because the first obstacle for the bike that is the road insecurity is then reduced a lot, not only along streets, but more still to crossroads.


Long road until the end of motorized awful mess...



The case of Freiburg-im-Brisgau is a good example: it is not only the pedestrians who put themselves in the bike, moderation of the car traffic and the relaunching of the streetcar also a lot calmed the city and made possible a use safer of the bicycle. Other less known case and nevertheless even more clear: to protect their historic center of the nuisances of the automobile, hundreds of Italian cities established, during the years 1980-1990, " zones with limited traffic " ( ZTL) and saw exploding the number of cyclists in the center, all this without any cycle arrangement.

In other words, the insistence on the "soft" character or "the Green" of the bike is not innocent. On one hand, it is to avoid underlining the nuisances caused by the individual vehicles motorized not to make feel guilty the motorists. We are nevertheless still far today to have made the tour of these nuisances: a recent work of systematic review has of it to count about fifty, good beyond four usually held (noise, pollution, accidents and congestion). On the other hand, to sweeten the interest of the bike as active and thrifty mode, the soft adjective which while can finally qualify all the vehicles which make an effort to be less aggressive towards the environment.
In that case, electric motor cars and even 4 x 4 hybrids become " soft modes ", of what to remove inhibitions from the rich motorists who use them and to justify the stream of public grants of all kinds which stimulate their sales (at least 1 200 € by vehicle and a year according to our calculations).



A cyclist does not have such helps...




The ecological argument of the bike is not justified thus directly. Only the reduction of the car use is relevant. But such an objective is much more difficult to put forward by the elected representatives. Why to force, is not it better to stimulate? In reality, we already live in a world of constraints. And they will be much stronger tomorrow if we do not act gradually today. It belongs to our town councillors and to the technical persons in charge to have the courage to explain it and to make a commitment resolutely in a joint politics of moderation of the traffic, as many other cities already make it. They will find numerous supports in the population and not only opponents. "

Interesting, no?



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